Armelle :Psychologue hospitalier au CHU de Nîmes

L’exercice de l’écrit est moins facile pour moi

Mais comme ce temps de confinement nous emmène aux confins de nos limites et à la source de changements… Alors j’ose écrire quelques lignes sur mon confinement.

Notre première semaine de confinement prend des airs de vacances, j’avais posé une semaine de vacances pour un voyage en Espagne avec mon mari et des amis. Alors après la déception  c’est le plaisir des retrouvailles en famille mon fils aîné étudiant à Bruxelles est revenu se confiner à Nîmes.

Le soleil brille, nous avons la chance et le bonheur d’être réunis dans un cadre de vie très agréable… On savoure encore un peu de légèreté dans ces premiers jours de confinement.

Puis vient le temps du retour au travail. Pour ma part c’est une reprise partielle car mon activité de psychologue en libéral est suspendu jusqu’à nouvel ordre mais je décide malgré des possibilités de télétravail de reprendre mon travail de psychologue hospitalier au CHU de Nîmes en présentiel. Beaucoup de questions et de nuits agitées à m’interroger sur les risques que je fais courir à ma famille en faisant le choix de retourner travailler au sein de l’hôpital (service de cancérologie).

La question du risque que je fais courir aussi aux patients avec des systèmes immunitaires très affaiblis par les traitements anticancéreux…tout d’un coup ce qui était une évidence avant la crise sanitaire devient une question complexe : est-ce bien là ma place de psychologue au sein de l ICG ? Quel rôle je peux avoir auprès des soignants, des patients isolés et de leurs familles tenues à distance par des mesures de confinement indispensables. Et surtout avant chaque rencontre essayer d’évaluer le rapport bénéfice/risque pour le patient. Est-ce que l’angoisse et la détresse psychologique peuvent être apaisés par un entretien téléphonique ou nécessite une rencontre en présence ?? … Pas de réponse toute faite.. Que du cas par cas.. Question qui chaque jour passé à l hôpital se répète.

Les psychologues ne sont ni pompier, ni infirmier, ni médecins, c’est à dire pas en première ligne et pas indispensable non plus quand il s’agit avant tout de sauver des vies .. Nous sommes pourtant formés pour écouter, accueillir, apaiser la souffrance psychique et vous imaginez que la souffrance des patients, des familles et des équipes soignantes est grande dans cette période si bouleversée. Les semaines passent et je tente d adapter ma pratique de psychologue à cette situation totalement inédite. Tous les jours je passe le sas de contrôle de la température et du questionnaire des symptômes COVID pour pénétrer dans cette zone bien protégée qu est l’ ICG un peu comme dans un film de science fiction . Le temps s’est ralenti et les salles d’attente se sont vidées… La plus part des consultations médicales se font aussi en téléconsultation, mais les patients continuent à venir pour leurs traitements… Les pathologies cancéreuses ne connaissent pas le confinement… Je suis tenue aussi d’adapter ma tenue professionnelle pour plus de sécurité :pantalon plus blouse plus masque et un lavage des mains,un nombre de fois incalculable.. Je rappelle tous les patients en suivi pour leur proposer des entretiens téléphoniques ou quand cela est vraiment nécessaire je vais à la rencontre des patients hospitalisés.

Au fil des semaines des rdv téléphoniques sont fixés et la souffrance de l’isolement de plus en plus forte.Pour beaucoup le cancer les avait déjà confronté à la solitude et au sentiment d’enfermement. Et voilà que le confinement et la peur de la contamination atteint un peu plus encore leur liberté, « la double peine »? . Après chaque déplacement dans l ICG pour un bonjour aux équipes ou une visite à un patient hospitalisé je retrouve le calme de mon bureau un peu comme un abri.. Une activité un peu ralentie qui me laisse aussi l occasion de mettre à jour des tâches administratives.Les semaines passent et chacun, soignants mais aussi patients, font preuve de capacité d’adaptation formidable. Les équipes se serrent les coudes, je suis admirative de cette solidarité et de cet engagement des soignants malgré parfois la peur, les doutes, la colère et la fatigue… Chapeau bas Messieurs Dames les soignants et j’adresse mes pensées les plus réconfortantes et optimistes pour tous mes patients.